Le chat existe-t-il ?

 


Je ne veux pas évidemment pas jeter l’opprobre sur cette jeune institutrice qui, de toute évidence, aime son métier et s’y consacre en conscience et avec bienveillance. Simplement, en l’écoutant, j’ai ressenti comme un immense gâchis.

Car ce qui est beau, dans cette histoire, c’est de voir à quel point le désir de vérité jaillit spontanément chez les enfants, combien ils sentent instinctivement que deux affirmations contradictoires ne peuvent pas être vraies en même temps. C'est ça, qui m'a frappée, cette soif naturelle, gravée dans leur âme. Cette soif que ce monde n'est plus en mesure d'étancher.

Alors plutôt que d'apprendre à mes enfants que la réel n'a pas d'importance, je leur apprends qu'il y a un Dieu, qu'il n'existe pas de salut en dehors de Celui qui a affirmé être "le Chemin, la Vérité et la Vie", que la vérité n’est pas une arme contre ceux qui pensent autrement, qu'elle est un bien commun, une lumière pour l’intelligence, un repos pour l’âme et qu'elle n’est pas à craindre, mais à accueillir, à chercher et à partager. Alors, peut-être, pourront-ils vivre en témoins de la vérité, même au milieu de ceux qui la rejettent.

Le chat existe-t-il ?

C’est l’histoire d’une institutrice de grande section qui, pour encourager ses élèves à rester calmes dans les couloirs, leur raconte qu’un chat très fatigué dort quelque part dans l’école et qu'ils ne doivent surtout pas le réveiller. 

Ça fonctionne à merveille ; les enfants marchent chaque fois sans se presser et parlent à voix basse. Très vite pourtant, ils commencent à s'interroger. Ce chat existe-t-il vraiment ? 

Chacun y va de son hypothèse et, à force, le besoin de connaître la vérité se fait de plus en plus impérieux. Naturellement, ils se tournent vers leur institutrice mais celle-ci, plutôt que de leur répondre, plutôt que d'éclairer leurs intelligences déjà bien vives, voit là une occasion en or et choisit de les laisser dans l'ombre. 

Elle organise un petit débat et invite chacun à dire s'il croit ou non que le chat existe et à expliquer pourquoi, dans la mesure du possible. Devant leur insistance pour obtenir le fin mot de l'histoire (car ils sont frustrés, et ils insistent !) elle ne cède pas ; ce qu'elle veut qu'ils comprennent, c'est que la réalité ne compte pas tant que l'opinion que chacun s'en fait.

Quelle importance, au fond, que le chat existe ou non ? Untel croit qu'il existe : le chat existe pour untel. Tel autre croit qu'il existe pas : le chat n'existe pas pour lui. Alors, à demi-mots, elle les invite à appliquer le même raisonnement vis-à-vis de Dieu et des différentes religions. Pour qui croit en Dieu, Dieu existe ; pour qui n'y croit pas, Il n'existe pas. C'est aussi simple que ça.

Cette histoire est vraie ; l'institutrice elle-même a choisi de la raconter sur les réseaux sociaux. Dans les commentaires, bien sûr, tout le monde loue son ingéniosité, sa sagesse, sa manière de transmettre les valeurs de tolérance et d'ouverture et, pour un esprit pétri de laïcisme et pour tout adepte du relativisme, il faut bien admettre que c'est vrai ; l'idée est excellente.

Mais moi, j’ai vu autre chose.

J’ai vu une jeune femme croire et enseigner, comme tant d'autres aujourd'hui, que dire la vérité c’est mépriser ceux qui n’y adhèrent pas et que le réel n'a, au fond, aucune importance, en tout cas bien moins que les émotions de ceux qui nous entourent.

J’ai vu des enfants, des esprits tout neufs, sentir de manière instinctive et immédiate que deux affirmations contradictoires ne peuvent pas être vraies en même temps, que le chat existe ou n’existe pas, tout comme Dieu existe ou n’existe pas ; principe de non-contradiction formulé par Aristote comme une loi logique fondamentale.

J'ai vu ces esprits réclamer leur dû et en être privés, forcés de s'accommoder d'un flou et d'une ambiguïté insupportables à leur raison créée pour s'accorder au réel, pour distinguer le vrai du faux, pour identifier ce qui est et ce qui n'est pas.

J’ai vu une occasion manquée : celle d’apprendre à ces enfants que l’on peut respecter les personnes sans renoncer à la vérité, que l'affirmer n’est ni un acte d’orgueil, ni une insulte, que la tolérance n'implique pas de renoncer au réel, que certaines vérités ne dépendent de l'opinion de personne et sont un bien commun à partager, car si on découvrait une source dans le désert, on ne dirait pas "à chacun son mirage", mais on montrerait le chemin qui y mène en laissant chacun libre de le suivre ou non, sans moquerie ni humiliation, mais avec le désir sincère qu'il vienne un jour s'y abreuver.

J’ai vu enfin combien l’école laïque néglige et piétine les lumières de l'intelligence de nos petits sous couvert de bonnes intentions, comment, sous le masque de la bienveillance, elle impose le relativisme, affaiblit leur élan naturel vers le vrai, attiédit leur âme, et les prépare à s'accommoder d’un monde où la raison et la soif de vérité sont mises à l’écart au profit des ressentis de chacun.

N'aurait-on pas pu leur apprendre plutôt à affirmer la vérité avec humilité, à écouter, à argumenter, à faire des concessions là où l'on peut et à tenir là où l'on doit, à supporter l’opposition sans jamais se résigner au mensonge ? 

Car ce besoin de vérité est inscrit dans notre âme, et cette histoire en est la preuve. Il est vital, immédiat, perceptible dès l’enfance ; Dieu est Vérité, et nous sommes faits pour la connaître, cette vérité, pour l’aimer et la servir. Tant qu’elle n’est pas trouvée, le cœur reste inquiet, en quête ; notre esprit a autant besoin d'elle que notre corps a besoin d'air. "Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi.", écrivait Saint Augustin.

Alors les enfants continueront à demander si c'est vrai, les adolescents continueront à chercher qui a raison et les adultes continueront à questionner le sens de leur existence. 

Car c'est ce pour quoi ils sont faits.

Quand on prive un enfant de la vérité, on le prive de sa nourriture la plus essentielle. La mission d’un éducateur consiste précisément à le conduire vers elle et à lui apprendre à en vivre, y compris dans un monde qui l'ignore, la déforme ou la rejette ; car c'est elle qui le rendra libre, et il n'y a qu'autour d'elle que l'on peut espérer mener une vie profondément heureuse et qui ait du sens.

Et si le chat n'existe pas, Dieu, Lui, existe bel et bien,

Et si dans cette histoire l'enjeu est insignifiant, concernant Dieu, on ne peut pas en dire autant.


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