Qu'ai-je fait pour mériter ça ?

 

C'était ce matin. Le ciel était clair, l'air déjà tiède et, assise sur ma terrasse, mon café à la main, je regardais mes enfants rire et jouer pieds nus dans l'herbe, intenses, libres, pleinement vivants. Je me suis entendue penser "qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?" Ce bonheur-là, si simple en apparence, si grand dans le fond.

En y repensant, la formule m’a paru étrange ; on a plutôt l’habitude de se la poser quand tout va mal, comme un réflexe de défense devant la douleur ou l’injustice.

Pourtant, c’est précisément dans les moments de paix qu’elle prend tout son sens. Parce que quoi que l’on traverse ici-bas, aussi dur que ce soit, sans le Christ, ce serait infiniment pire. On mérite bien plus souvent le mal qu'on ne mérite le bien.

La vérité, donc, c’est que je n’ai rien fait pour mériter ça. Rien de ce que j’ai été ou fait ne pourrait expliquer ce que je vis aujourd’hui ; et pourtant, Il m’a aimée, Il m’a précédée, Il m’a portée, relevée, transformée, Il m’a donné la foi, Il m’a rendu la vie. Et je n'y suis pour rien.

Il y a dix ans, j'étais en ruines et aujourd’hui je suis là, dans un jardin baigné de soleil, avec des enfants qui vivent de tout leur être et une paix que je croyais hors de ma portée. Aucune de ces choses n’est une récompense, ce ne sont pas les fruits de mes efforts ; ce sont des dons. Des grâces infinies.

On devrait se rappeler ça plus souvent,

rester éveillés et ne pas laisser l’évidence devenir invisible, 

pour reconnaître que ce que nous vivons de bon, de vrai, de beau, ne nous est pas dû 

et que c’est précisément parce que nous ne le méritons pas que nous pouvons enfin l’accueillir vraiment ;

dans la gratitude,

Et dans la joie.

Vous avez remarqué comme quelques fois, quand on traverse des moments difficiles, on se demande ce qu'on a fait pour mériter ça ? Et si on apprenait à se poser la même question quand tout va bien ?

Au milieu de la nature,

En écoutant nos enfants rire et vivre,

Quand on a de quoi remplir chaque assiette,

Des corps capables de nous porter,

De soigner ceux des autres,

Et assez de vie et d'amour à revendre pour accueillir et surmonter les jours un peu moins doux.

Parce que la vérité, c'est qu'on n'a rien fait.

On n'a rien fait pour mériter ça.

On n'a pas toujours aimé Dieu comme Il le mérite,

Ni les autres,

On n'a pas toujours été justes,

On n'a pas toujours fait le bien,

Plus d'une fois on n'a pas été à la hauteur,

Et pourtant Il nous a aimés, et Il nous a tout donné.

C'est pas une récompense, c'est un don, gratuit,

Cette vie,

Et l'extraordinaire beauté du monde.

Alors plutôt que de laisser place au sentiment d'injustice quand on affronte des épreuves,

On devrait apprendre à dire merci, 

Merci, pour toutes les petites grâces qui seront toujours infiniment plus que ce qu'on mérite, 

Et pour chaque jour qui nous donne l'occasion de nous rapprocher de Celui qui est si Bon envers nous, même quand nous ne le sommes pas.